Berlin fut mon premier voyage solo, la ville qui m’a donné des papillons dans le ventre et qui a fait tant battre mon coeur que j’ai décidé de m’y installer sans même parler la langue ni avoir de travail. Pourtant, je n’aime ni son immensité ni la rudesse de sa météo, je ne raffole pas de sa vie nocturne déjantée ni de la désinvolture de son peuple. Mais comme toute histoire d’amour, ce n’est pas les arguments les plus rationnels qui nous font prendre ce genre de décisions. Je vais donc t’expliquer pourquoi j’aime tant vivre à Berlin, moi la fille de la campagne, la buveuse de thé plutôt que de bière et l’amoureuse invétérée de ma ville d’origine, Bordeaux.

Photo de Une Mélissa Ottoni

De Berlin, j’aime ses bâtiments délabrés et tagués, vestiges d’une époque grave et pleine d’espoir, sa foule d’éternel.le.s adolescent.e.s et cette délicieuse atmosphère d’antan. Quand j’ai découvert Berlin pour la première fois, j’ai eu l’impression de replonger dans mes années lycée, une période de ma vie libératrice après des années collège où je me sentais emprisonnée. La nostalgie m’a prise à la gorge, comme un souvenir qui vous renvoie à la figure le poids écrasant des années.

Berlin, ex-paria passée de l’ombre à la lumière en l’espace de trois décennies, a pris sous son aile tous ceux qui, ailleurs, se sentent comme des extra-terrestres : idéalistes, artistes, anarchistes, hippies, assoiffé.e.s de liberté et de plaisir, minorités en tout genre, expliquant l’incroyable diversité culturelle et la créativité qui émanent de ces immeubles blafards.

À Berlin, on peut danser dans les souterrains d’un squat transformé en rave-party ou sur le plancher grinçant d’une salle de bal de l’ex-RDA

À Berlin, on peut danser dans les souterrains d’un squat transformé en rave-party ou sur le plancher grinçant d’une salle de bal de l’ex-RDA, faire son jogging sur la piste de décollage d’un aéroport qui ravitailla la ville coupée du monde durant la Guerre froide, acheter des oeuvres d’art dans un distributeur automatique, se balader sur une ancienne université nazie enfouie sous les décombres de la guerre, chanter à tue-tête dans un karaoké queer jusqu’à l’aube, fumer dans les bars, vivre la nuit, faire la fête le jour.

Teufelsberg, aujourd’hui un haut lieu de street art, a été construit sur les décombres d’une ancienne université nazie en construction

Pouvoir palper l’histoire

Le Mémorial aux juifs assassinés d’Europe

À Berlin, j’ai aussi l’impression de plonger dans l’histoire, la grande, celle que l’on apprend dans les livres, et pouvoir palper cette réalité a quelque chose de fascinant. Voir les restes de cette ville détruite par la folie d’un homme qui classait les humains comme on classe les chiens (et encore), déchirée jadis entre deux idéologies, voir des bouts du vrai mur, rencontrer des gens qui ont vécu cette séparation qui a marqué l’histoire à jamais, tout cela me donne la sensation de pouvoir explorer, telle une petite souris, un passé qui a forgé notre propre identité.

Une des rares portions du mur encore debout, au Wall Memorial

Il faudrait plus d’une vie pour explorer la multitude de quartiers qui sont autant de villes dans la ville, et qui expliquent l’extraordinaire hétérogénéité du peuple berlinois

Votre Berlin est probablement différent du mien car cette ville, aux quartiers si contrastés, attire des gens d’horizons bien différents. Et c’est aussi ce que j’aime. Pouvoir me balader dans les allées guindées de l’île aux musées et ensuite filer dans les rues cracra de Kreuzberg, boire un verre dans un bar peuplé de hipsters barbus et manger un kebab dans un Imbiss qui pue la friture, découvrir les marchés de Noël kitsch et expérimenter un voyage chamanique dans un festival d’art contemporain.

Il faudrait plus d’une vie pour découvrir tout ce qui se cache derrière les avenues gigantesques qui quadrillent la capitale allemande. Il faudrait plus d’une vie pour explorer la multitude de quartiers qui sont autant de villes dans la ville, et qui expliquent l’extraordinaire hétérogénéité du peuple berlinois. Voilà pourquoi, malgré le froid, la barrière de la langue, le manque de perspective professionnelle, la gentrification grandissante et les crises d’angoisse qui ponctuent mes voyages dans les tentacules de ses transports, j’aime toujours Berlin comme au premier jour.

Et toi, qu’est-ce qui te fait vibrer à Berlin ?

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