Alors que la réforme des retraites en France a paralysé le pays et suscité la fronde d’une bonne partie de la population fin 2019, qu’en est-il Outre-Rhin? Dans un pays où la population est parmi les plus vieillissantes d’Europe, le système de financement des retraites a dû s’adapter. Mauvaise nouvelle : il est moins avantageux que le système français. Dans cet article, vous découvrirez tout ce qu’il faut savoir sur le système de retraite en Allemagne.
Comment fonctionne le système de retraite en Allemagne ?
Au premier abord, le système de retraite allemand paraît similaire à la France : il s’agit d’un système par répartition. Ce système est basé sur la solidarité entre les générations, c’est-à-dire que les actifs paient pour les pensions des retraités actuels, s’assurant par la suite une retraite, à leur tour financée par les générations futures. Cependant, plusieurs différences sont à noter :
- l’Allemagne ne sépare pas salariés du privé et du public ;
- la retraite est calculée sur un système par points (ce que prévoit la réforme Macron) ;
- les cotisations complémentaires ne sont pas obligatoires (contrairement à la France où les salariés cotisent par exemple à l’Agirc-Arrco). Par conséquent, le taux de cotisation est d’un peu moins de 20% du salaire brut contre 28% en France ;
- le montant de la pension correspond en moyenne à 48% du salaire contre 70% en France. Logique, vu que les cotisations sont moins élevées ;
- les retraités doivent cotiser à l’assurance maladie à hauteur d’environ 7% (contrairement aux retraités français qui sont soumis à des cotisations maladie uniquement pour les pensions complémentaires et à hauteur de 1%).
Quelle est la durée de cotisation pour bénéficier d’une retraite à taux plein ?
EN ALLEMAGNE
La durée de cotisation pour bénéficier de la retraite à taux plein en Allemagne est de 45 ans.
EN FRANCE
La durée de cotisation est actuellement de 41,5 ans (43 ans pour les personnes nées après 1973).
A noter : Le projet de réforme prévoit cependant un « âge pilier » de 64 ans, c’est-à-dire que pour bénéficier de la retraite à taux plein, il faudrait travailler jusqu’à 64 ans, peu importe le nombre d’années de cotisation.
Quel est l’âge de la retraite en Allemagne ?
De quoi parle-t-on ? L’âge légal de départ à la retraite est celui à partir duquel une personne peut bénéficier d’une pension de retraite, mais pas forcément à taux plein.
EN ALLEMAGNE
L’âge légal de départ à la retraite est de 63 ans, si la personne a cotisé au moins 35 ans. Cependant, la durée de cotisation pour obtenir une retraite à taux plein étant de 45 années, la pension subira une décote de l’ordre de 0,3% par mois manquant, soit 14,4% pour une retraite prise à 63 ans au lieu de 67. Par année, cela revient à une décote de 3,6%.
EN FRANCE
L’âge légal de départ à la retraite est de 62 ans. Si la personne n’a pas atteint les 41,5 années (43 années pour les personnes nées après 1973) requises pour toucher une retraite à taux plein, une décote de 1,25% par trimestre manquant (plafonnée à 20 trimestres) est appliquée. Cela revient à une décote de 5% par an.
Quel est l’âge de départ pour bénéficier d’une retraite à taux plein ?
De quoi parle-t-on ? Il s’agit de l’âge de départ à la retraite permettant de bénéficier d’une pension à taux plein même si l’on n’a pas cotisé le nombre d’années requis.
EN ALLEMAGNE
L’âge légal de départ à la retraite en Allemagne pour bénéficier d’une pension à taux plein est de 67 ans. Plus précisément, il sera de 67 ans d’ici 2029 car il est actuellement de 65 ou 66 ans pour les personnes nées entre 1947 et 1964.
EN FRANCE
L’âge légal de départ à la retraite pour bénéficier d’une retraite à taux plein sans avoir cotisé le nombre d’années requis est de 67 ans (pour les personnes nées après 1955).
Quel est le montant moyen de la retraite en Allemagne ?
Le montant moyen de la retraite en Allemagne est de 1200 euros en 2018 contre près de 1500 euros en France en 2019 (chiffres bruts).
Cependant, ce chiffre cache de fortes disparités en Allemagne. Les retraités pauvres sont en effet deux fois plus importants Outre-Rhin : 15,6% des Allemands à la retraite vivent avec moins de 917 euros/mois, contre 7,9% en France. Ces retraités pauvres s’expliquent notamment par la mise en place des emplois flexibles à temps partiel comme les mini jobs, où les charges sociales sont très faibles et par une culture de la mère au foyer (je vous en parle plus dans cet article), les femmes étant les plus touchées par ce phénomène. Ainsi, la pension versée moyenne en Allemagne en 2018 est de 1362 euros pour les hommes contre 991 euros pour les femmes. Conséquence de ces disparités : 11% des retraités de 65 à 74 ans continuent à travailler contre 3% des retraités en France.
On voit donc que l’Allemagne dispose d’un système de retraite moins avantageux que la France. Cela s’explique par le vieillissement de la population allemande et à son taux de fécondité relativement bas (1,59 en 2016 contre 1,87 en France en 2018), qui rendent le système de retraite par répartition inadapté. Le taux d’actifs était ainsi de 62% en 2019 et devrait diminuer pour passer à 56% en 2050 tandis que les plus de 67 ans devraient passer de 19% à 27% de la population d’ici 2050.
Cliquez sur la flèche en bas à droite pour voir l’évolution de la pyramide des âges jusqu’à 2060.
EN CONCLUSION : les cotisations retraite étant moins élevées en Allemagne qu’en France, il est fortement recommandé de souscrire à une complémentaire retraite afin d’augmenter sa pension. Découvrez dans le paragraphe suivant les différentes solutions proposées Outre-Rhin.
Quelle complémentaire retraite choisir ?
Petit retour en arrière. Peut-être vous demandez-vous pourquoi les cotisations retraite sont moins élevées en Allemagne, pays de Bismarck, où la retraite obligatoire a été inventée ? Avant les années 2000, les cotisations vieillesse étaient en effet bien plus élevées. Mais cela eut pour conséquence de plomber la compétitivité allemande du fait de salaires relativement élevés. À cela s’ajoutait le vieillissement grandissant de la population, qui rendait le système par répartition bancal. L’État a donc engagé deux réformes, en 2002 et 2005, afin de baisser la retraite publique (qui pesait sur les salaires) et favoriser la retraite privée, par capitalisation. Plusieurs dispositifs ont ainsi été mis en place pour pousser les travailleurs à souscrire à des complémentaires retraite, en échange de cadeaux fiscaux. Voici les principaux dispositifs mis en place :
Je ne suis pas conseillère fiscale. Cet article est issu de mes recherches personnelles et du conseil que j’ai reçu de l’association Expatriation Allemagne. Je vous conseille d’ailleurs d’adhérer à une association de ce type ou de vous rapprocher d’experts financiers avant de souscrire à une complémentaire retraite car les démarches/conditions peuvent être complexes. Découvrez d’ailleurs mon retour d’expérience sur les services qu’offre l’association dans cet article. Pour ma part, l’association Expatriation Allemagne m’a proposé une solution adaptée à ma situation professionnelle et financière, en me donnant le montant des exonérations fiscales que je pourrais percevoir selon le placement choisi. Ils s’occupent vraiment de toute la paperasse, je vous les recommande chaudement !
⭐ Les retraites complémentaires d’entreprise
Votre entreprise peut vous proposer un plan de retraite complémentaire, appelé « betriebliche Altersvorsorge » dans la langue de Goethe. J’avais reçu un email de la part de mon employeur concernant un de ses plans en 2018, mais je ne m’intéressais pas du tout au sujet à l’époque ! Quoi qu’il en soit, d’après ce que j’ai compris :
COMMENT CELA FONCTIONNE
Une partie de votre salaire brut, auquel l’employeur peut participer, est reversée sur une assurance complémentaire.
AVANTAGES
Vous n’avez pas à payer d’impôts ni de cotisations sociales sur ces montants.
INCONVÉNIENTS
Attention aux clauses car certains contrats ne vous permettent de toucher le montant versé par l’entreprise que si vous restez un certain nombre d’années dans l’entreprise. Et, comme la plupart des retraites par capitalisation, la rente que vous toucherez sera elle soumise à imposition.
⭐ La Riester Rente
Le plan de retraite dit retraite Riester a été mis en place suite aux réformes de 2002 pour inciter les travailleurs à souscrire à un plan d’épargne retraite privée, moyennant des allocations et des déductions d’impôts.
POUR QUI
Les travailleurs cotisant à la retraite publique c’est-à-dire les employés du privé et les fonctionnaires.
COMMENT CELA FONCTIONNE
Vous versez chaque mois une somme sur un contrat d’épargne. L’État vous verse une allocation de 175 euros par an, auquel peut s’ajouter 185 ou 300 euros par enfant si vous en avez, ou 200 euros si vous avez moins de 25 ans. De plus, vous pouvez déduire jusqu’à 2100 euros de votre base imposable.
AVANTAGES
Vous avez un retour sur les sommes investies de par les allocations versées et la déduction d’impôts. Vous pouvez aussi utiliser ce capital pour un achat immobilier en Europe.
INCONVÉNIENTS
Vous devrez payer des impôts sur la rente perçue. L’offre pléthorique de contrats d’épargne, et pour certains, coûteux, rend la mise en place difficile si l’on n’est pas entouré de professionnels.
⭐ La Basis Rente ou Rürup Rente
La pension de base ou retraite Rürup a été créée en 2005. Elle reprend le principe du régime de la retraite publique, c’est-à-dire que les cotisations versées ouvrent le droit à une rente lors de la retraite. Cependant, c’est l’assurance privée qui la finance.
POUR QUI
La Basis Rente s’adresse à tout le monde, y compris les travailleurs indépendants qui ne sont pas soumis aux cotisations de la retraite publique. Elle peut donc constituer un complément de retraite ou une retraite à part entière si vous ne cotisez pas à l’assurance vieillesse d’État.
COMMENT CELA FONCTIONNE
Les sommes versées vous permettent une déduction fiscale (plafonnée à environ 24.000 euros en 2019) et vous donnent le droit à une rente une fois l’âge de la retraite atteint.
AVANTAGES
Les déductions d’impôts rendent ce dispositif attractif. La réversion est possible.
INCONVÉNIENTS
Vous ne pouvez pas récupérer le capital placé. Il vous garantit cependant une rente pour votre retraite. La rente est, elle aussi, imposable.
Découvrez plus d’informations sur ces deux derniers dispositifs dans cet article.
MON AVIS : Ces dispositifs sont intéressants de par les déductions fiscales et/ou allocations qu’ils proposent. Néanmoins, leur mise en place nécessite de faire appel à des professionnels et de bien y réfléchir à l’avance. Personnellement, je pense ouvrir un plan d’épargne type Basis Rente mais le fait de ne pas avoir la possibilité de récupérer le capital me fait hésiter. Enfin, faites aussi bien attention à ce que la solution d’épargne que vous choisissez permette une réversion, c’est-à-dire de pouvoir verser une partie de la rente à un tiers (conjoint, enfants) en cas de décès. C’est quelque chose auquel on ne pense pas à 30 ans, mais quitte à cotiser, autant être sûr que la rente aille à quelqu’un, que ça soit vous ou un de vos proches 😉
J’espère que cet article vous aura aidé à y voir plus clair sur le système de retraite en Allemagne. Je vous avoue que j’ai mis beaucoup de temps à rassembler toutes ces informations et chiffres, qui, je l’espère, sont le plus précis possible. N’hésitez pas à partager cet article si vous pensez qu’il pourrait être utile à quelqu’un de votre entourage et à me suivre sur Instagram et Facebook pour suivre l’actualité du blog et mon quotidien à Berlin 🙂